Depuis plusieurs années, une messe votive à l’Esprit Saint est célébrée à la paroisse « Sainte-Thérèse de l’Enfant-Jésus » de Fribourg, tous les derniers mardis du mois. Or, le dernier mardi de ce mois (mars) coïncide avec le mardi de la semaine sainte (liturgiquement prioritaire). Ma première réaction était de supprimer la messe votive du Saint Esprit afin de célébrer uniquement le mardi de la semaine sainte. Mais avec un petit recul, je me suis dit : non ! l’Esprit Saint n’a-t-il rien à voir avec la passion du Christ ? Bien souvent quand on parle de l’Esprit Saint, il nous vient à l’esprit les évangiles de l’enfance, ou le baptême de Jésus et plus souvent les dons et charismes (cf. St Paul). Mais qu’en est-il de la passion ?
Dans l’évangile de Luc
Nous avons commencé le Temps de Carême avec le récit de la tentation au désert (1er dimanche de Carême). Après la manifestation de l’Esprit Saint au baptême, avec la voix du Père qui se fit entendre, le même Esprit pousse Jésus au désert : « Jésus, rempli de l’Esprit Saint, revint du jourdain et il était tenté par le diable » (Lc 4, 1) . C’est donc avec la puissance de l’Esprit Saint que Jésus a gagné le « match aller ». Mais ce n’est pas encore la fin, c’est plutôt le début. Luc conclut le récit de la tentation avec ces paroles : « Ayant alors épuisé toute tentation possible, le diable s’écarta de lui jusqu’au moment favorable [kairos] » (Lc 4, 13). Jusqu’au moment favorable ! Il y a donc match retour. Quand sera-t-il ? Bien évidemment, il s’agit du moment de la passion qui s’ouvre au jardin des oliviers avec l’arrestation : l’heure des ténèbres (cf. Lc 22, 53). Sur la croix, Jésus dira : « Père entre tes mains je remets mon esprit » (Lc 23, 46). L’esprit de Jésus est-il autre chose que l’Esprit Saint ? C’est le match retour, où tout s’accomplit. Ce match est gagné, car le centurion, au pied de la croix, rend gloire à Dieu (Lc 23, 47). Dans la Bible, on ne rend gloire à Dieu que devant les grandes choses, les merveilles que le Seigneur accomplit (cf. Ex 15, 1-21 : libération de l’esclavage ; Lc 1, 46 : magnificat ; Lc 2, 20 : la naissance de Jésus) ; Lc 5, 25 : guérison du paralytique …)
Dans l’évangile de Jean
À la fin de la fête des Tentes, Jésus invitait toute personne qui a soif et qui croit en lui à venir boire, d’après l’Écriture « De son sein couleront des fleuves d’eau vive » (cf. Jn 7, 39). L’évangéliste précise que Jésus parlait de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui, mais avec une précision de taille : « Il n’y avait pas encore d’Esprit parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié ». Or dans l’Évangile de Jean, l’heure de la gloire c’est précisément l’heure de la passion, l’heure de la croix. Il n’y a donc pas d’Esprit (donné bien entendu) sans la croix. Et on verra effectivement que lorsque le Christ meurt, il donne l’Esprit : « et il remit l’e(E)sprit » (Jn 19, 30). Marie présente en ce moment joue un rôle important dans l engendrement qui se réalise grâce au don de l’Esprit : sa maternité spirituelle.
En outre, c’est dans le contexte de la passion que Jésus promet à ses disciples l’Esprit Saint, le Paraclet (Défenseur, avocat, aide, secours, consolateur, intercesseur …) [Jn 14, 15-31 ; Jn 16, 5-24]. C’est lui qui garantit la paix, la joie, la vérité et la victoire dans les tribulations, les épreuves, la tentation.
St Jean nous dit aussi que Jésus a aimé les siens jusqu’à la fin (telos) [cf. Jn 13, 1]. Une fois encore la passion du Christ est lieu par excellence où l’amour de Dieu resplendit dans tout son éclat. L’Amour n’est-il pas l’autre nom de l’Esprit Saint (cf. Rm 5, 5) ? Ainsi, tout disciple est appelé à aimer et servir comme le maître, en acceptant de mourir à soi.
Dans la spiritualité marianiste
Nous savons quelle place occupe la croix dans l’enseignement de notre fondateur en ce qui concerne le devenir conforme au Christ qui n’est rien d’autre que la vie nouvelle dans l’Esprit Saint : devenir des hommes nouveaux à travers le mystère pascal (mort + résurrection). Dans ce travail spirituel, l’Esprit Saint occupe une place fondamentale. Si le Marianiste se consacre à Marie pour qu’elle le forme à la ressemblance du Christ, il ne doit pas oublier le rôle prépondérant de l’Esprit Saint dans cette formation. La place de l’Esprit Saint dans la passion du Christ, nous rappelle la place de l’Esprit Saint dans le travail spirituel marianiste « c’est là proprement ce qu’on appelle être spirituel, et vivre en esprit en toutes choses, lorsque le St-Esprit est en nous le principe de tout, qu’il est le possesseur de tout nous-mêmes ; qu’il nous tien entre ses bras, et qu’il nous porte à tout ce qui lui plaît. Et quoique cela se fasse plus sensiblement dans les uns que dans les autres, il se fait néanmoins réellement en tous ceux qui veulent se mortifier, et qui renoncent à leur chair et à eux-mêmes en tout ce qu’ils sont » Chaminade dans Quentin Hakenewerth, « Pour revêtir l’homme nouveau », Manuel de spiritualité marianiste, p. 13).
Explorer la place de l’Esprit Saint dans la passion du Christ, c’est en fait une confession de foi en Dieu Père, Fils et Esprit Saint. Si pour nous marianistes, c’est une évidence que Marie est présente dans tous les mystères de la vie du Christ, cela est encore plus vrai avec les personnes divines. Notre vie chrétienne s’épanouit lorsque nous développons de très bonnes relations non seulement avec la Vierge Marie, mais aussi avec le Père, le Fils et le Saint Esprit en qui nous sommes baptisés.
Casimir TCHEOU, sm