Séjour au Pays de Alfred Diban, Premier Chrétien de HAUTE VOLTA

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Comme je vous l’écrivais dans le dernier numéro de Communication, j’ai séjourné du vendredi 10 au mardi 14 mai au Burkina avec deux sœursmarianistes, les Sœurs Tatiana Laougnamassi et Gisèle Agniba dans le cadre de la célébration du dimanche du Bon Pasteur et des vocations.
Nous étions dans le diocèse de Tenkodogo qui fait frontière avec le Togo. En accompagnant les sœurs marianistes, mon but était surtout de visiter la paroisse Immaculée Conception de Ouargaye que Monseigneur Prosper KONTIEBO aimerait confier aux frères marianistes du Togo. L’évêque, apprenant que je venais a interrompu son séjour de Ouagadougou pour revenir me rencontrer à Tenkodogo. J’ai eu ainsi l’occasion de le connaitre et de discuter avec lui. J’ai aussi rencontré ses collaborateurs et fait la visite prévue. Voici un bref compte rendu de ce séjour.

 

Une anecdote pour commencer

Le chancelier de l’évêque me raconta que lors de son séjour en décembre dernier à Kara, il a fait un tour au collège Chaminade. Il rencontre un élève qui vit à l’internat. Il entreprend une discussion avec lui pour recueillir ses impressions sur notre établissement. Pour finir il l’invite à venir vivre au Burkina. Ce à quoi l’élève lui répond qu’au grand jamais il ne souhaiterait vivre dans ce pays désertique où les gens meurent de faim…. Voilà une idée que l’on peut se faire du pays des hommes intègres (traduction du nom du pays). La réali est tout autre. En exemple le Togo a importé en 2018 plus de 295.000 tonnes de riz alors que sur la même année l’usine d’égrenage du diocèse de Tenkodogo en a produit à elle seule 7 tonnes de riz par heure ; ce qui a suffi pour le million d’habitants qu’il compte….. ; des usines comme celle dont je parle, il y en a partout dans le pays.

Le voyage

Avec l’insécurité qui règne actuellement au Burkina due aux fréquentes attaques des djihadistes, nous avons hésité à nous mettre en route pour ce voyage…. Finalement, je me suis lancé avec les sœurs….comme la Vierge Marie qui, tout en étant consciente des risques du voyage s’est rendu en hâte pour visiter sa cousine Elisabeth. Notre plan de voyage: départ vendredi à 15 heures ; nuit à Dapaon ; le lendemain à 5 heures du matin messe et départ pour la frontière à Cinkassé ; passage de la frontière en taxi-moto à 6 h 30 et poursuite du voyage jusqu’à Tenkodogo. Nous avons pris le risque de ce voyage, avec quelques précautions quand-même : éviter de nous afficher comme prêtre et religieuses ; pour cela nous nous sommes habillés comme le font les gens, sans signes extérieurs. A partir de la frontière, nous avons voyagé en car pour nous fondre dans la masse des voyageurs. Nous avons mis trois heures pour faire les 100 km qui séparent la frontière de Tenkodogo alors que la route est toute nouvelle et bien asphaltée. Raison : 5 fois, le car s’arrêtait, les voyageurs descendaient, se mettaient en fil pour présenter chacun sa carte d’identité à un agent de l’ordre. Deux autres agent lourdement armés et sur le qui-vive inspectent le véhicule  soigneusement. Dans le car, je discute avec un monsieur sympathique. Il nous indique là où le Père Salésien César et 7 soldats ont été assassinés en février dernier. Leurs voitures criblées de balles sont encore sur les lieux. Nous arrivons finalement à notre destination à 9h30. Les prêtres de la cathédrale, avec à leur tête le curé et le prêtre chargé des vocations nous accueillent à bras ouverts. C’est les retrouvailles avec les sœurs marianistes qui viennent pour la énième fois. Je me présente. Après le verre d’eau et les nouvelles, ils nous montrent nos chambres. On nous annonce que Monseigneur nous attend à 11 h à l’évêché.

 

Tenue de camouflage

Rencontres avec Monseigneur Prosper KONTIEBO, évêque de Tenkodogo

Nous avons rencontré Monseigneur à trois reprises. La première a lieu le samedi de notre arrivée à 11 h. A 10 h 30, une voiture s’immobilise dans la cours de la cathédrale : l’évêque a envoyé le père secrétaire exécutif de l’OCADES (ce qui correspond au Togo à Caritas) nous chercher. Après 6 km de voiture, nous sommes devant une grande clôture et deux belles maisons neuves. C’est l’évêché et la résidence de l’évêque. Celui-ci nous accueille joyeusement. Il est Camilien, doit avoir une soixantaine. Avec un visage rayonnant. Les discussions sont très cordiales. Il est le premier évêque de diocèse qui n’a que 7 ans. Une trentaine de prêtres collaborent avec lui. Cinq Congrégations religieuses implantées dans le diocèse les aident dans la pastorale ; les Camilliens sont présents depuis la nuit des temps. La ville épiscopale n’a qu’une paroisse, là où nous sommes logés. Le diocèse a beaucoup de projets sociaux. Il cherche des congrégations pour l’accompagner. L’évêque réitère ce qu’il attend des sœurs marianistes et ce qu’ils demandent aux frères marianistes du Togo. Il est au courant que les frères marianistes de Côte d’Ivoire font des visites au Burkina pour présenter la vie religieuse marianiste. Il explique qu’une fois que nous sommes présents, il nous laissera la latitude de déployer notre charisme aussi dans d’autres domaines que ce qu’il pense actuellement. Nous poursuivons la discussion à sa table. Les choses se précisent dans ma tête sur ce que Monseigneur attend de nous. L’Evêque nous reconduit lui-même en faisant un détour par un lycée de filles tenu par les sœurs de l’Immaculée Conception (S.I.C) de Ouagadougou ; elles ont 700 filles dont 300 internes. Un échange avec une religieuse SIC qui nous accueille : nous comprenons que l’établissement fonctionne bien et fait d’excellents résultats, comme le collège Chaminade à Kara.
La seconde rencontre se tient dans l’après-midi de dimanche. De nouveau, Monseigneur envoie une voiture nous chercher. Nous discutons encore des projets qu’il nourrit pour nous. De nouveau, il nous invite à sa table pour le souper. Une troisième rencontre avec Monseigneur se fait vers 13 h lundi à la suite de notre visite du site du projet d’égrenage de riz développé par le diocèse. Une fois encore l’évêque met gratuitement à notre disposition une voiture et un chauffeur pour nous conduire à 45 km de Tenkodogo pour voir cet endroit. De retour, il nous présente son conseil épiscopal et des sœurs qui vont bientôt s’installer dans son diocèse sur son invitation. Nous partageons le repas avec tout ce monde ; une belle occasion pour connaitre les plus proches collaborateurs de l’évêque qui sont parfaitement au courant des intentions de l’évêque nous concernant. Tout de suite après, l’évêque fait sa valise et se met en route pour Ouagadougou où devrait commencer le soir-même l’assemblée générale de la CERAO (Conférence épiscopale régionale de l’Afrique de l’Ouest, RECOWA en anglais).

 

Avec Monseigneur Prosper

Visite de la paroisse de Ouargaye

Il était prévu que nous visitions cette paroisse mardi matin avec le secrétaire de l’OCADES et le Père Chancelier. De tristes novelles viennent compromettre la visite : nous apprenons en effet que les djihadistes ont encore frappés dimanche et lundi. Nous saisissons toutes les occasions pour témoigner de notre compassion à nos hôtes. Je l’ai fait particulièrement dans la messe de dimanche soir et dans l’homélie de lundi où j’ai fait la relation entre ces événements douloureux et la commémoration de l’attentat de Jean Paul II le 13 mai 1981, jour de la Vierge de Fatima. Nous sommes informés que le Centre Est du Burkina où se trouve Ouargaye est une cible des terroristes et que ceux-ci se trouvent aussi le long du territoire qui part de Ouargaye à Cinkassé où se situe la route que nous allons emprunter pour arriver au point de passage entre le Burkina et le Togo. Lundi soir les deux prêtres prévus pour nous conduire nous rassurent ; nous convenons avec eux de 7 heures comme heure de départ le lendemain. Effectivement, le 14 mai, nous voilà partis après la messe et les aurevoirs. Nous prenons une route en terre presque déserte. Nous avons 65 km à faire. Nous récitons le chapelet pour confier le voyage au Seigneur. Aux environs de 10h00, nous arrivons sur les lieux sans encombre. Nous visitons entre autres, la paroisse et l’école primaire catholique. Mais toutes les écoles sont fermées par crainte des djihadistes ; nous avons pu parler avec le directeur ; ce qu’il nous dit nous fait froid dans le dos malgré le soleil brûlant….les djihadistes peuvent frapper à tout moment. Nous faisons une prière dans l’Eglise en demandant à Dieu d’aider les frères marianistes du Togo et le diocèse à bien discerner et de d’arriver à prendre une décision comme Dieu veut. Nous lui confions la suite de notre voyage par ce chemin périlleux entre Ouargaye et Cinkassé. Puis nous reprenons la route à 12 h 30. Nous arrivons sains et saufs à la paroisse de Cinkassé à 14 h où les prêtres qui y travaillent nous attendaient pour le repas. A 15
heures nos deux guides traversent avec nous la frontière et nous déposent chez les sœurs de la Providence de Saint Paul. Ils reprennent la route de Tenkodogo alors que nous poursuivons notre
voyage sur Kara. A 19h30, nous voilà à la maison ! Deo Gratias !

Eglise de Ouargaye

Cure de Ouargaye

Célébration du dimanche des vocations

Les sœurs et moi avons participé à trois messes du dimanche du Bon Pasteur et des vocations. Les célébrations étaient vivantes, priantes et inculturées. Les églises étaient noires de monde ; les fidèles venaient parfois à vélo à cause de la distance, ce qui ne se voit pas chez nous le dimanche. Pendant les célébrations, nous avons pris la parole pour présenter la famille marianiste, sa spiritualité et son charisme. En dehors des messes, nous avons eu à rencontrer les vocandi de la paroisse cathédrale saint François-Xavier qui étaient regroupés pour un week end de rencontre et de formation. Beaucoup ont montré qu’ils étaient intéressés par ce que nous sommes et ce que nous faisons. Nous leur avons promis revenir pour le camp vocation de juillet-août 2019 qui regroupera cette fois les vocandi de tout le diocèse sur trois sites.

Raisons d’une implantation éventuelle à Ouargaye ou ailleurs dans le diocèse de Tenkodogo

Je mentionne ici quelques raisons qui à mes yeux peuvent militer pour une implantation SM dans ce diocèse :
– Nous avons reçu une invitation d’un évêque religieux qui comprend parfaitement la vie religieuse
– Il y a une forte colonie togolaise dans ce diocèse qui fait frontière avec le Togo
– Les Burkinabè, un peuple de travailleurs, aussi bien les hommes que les femmes
– Diocèse jeune mais vivant de par la foi des fidèles et les différents projets
L’évêque donne un temps pour nous préparer à y aller à l’horizon septembre 2022
– Eglise et presbytère existent déjà à Ouargaye
 
L’évêque nous a dit qu’il a une dévotion particulière à saint Joseph. Confions-lui également notre discernement.

 

P. Ignace Pagnan